Votre enfant a peur du noir? A du mal à s’endormir ? Se réveille en pleine nuit et semble avoir fait un cauchemar ? Vous vous posez un tas de questions sur la peur qui ronge votre enfant ? Cette semaine chez Whisperies, avec la publication de notre nouvelle frissonnante histoire « Le Trou de Baligan« , nous avons fait appel à Katia CAISSO, psychologue spécialiste du développement de l’enfant et de l’adolescent, pour vous éclairer sur les angoisses de votre enfant.
- Qu’est ce que la peur ?
- Comment mon corps réagit face à la peur ?
- Que faire face à la peur de vos enfants ?
- La contagion émotionnelle
- Peur du noir, de l’orage, des monstres… quel rôle dans le développement de l’enfant ?
- L’angoisse du sommeil
- Cauchemar ou terreur nocturne ? Ce n’est pas la même chose !
- À chaque âge… sa peur
- Vers quel âge peut-on demander à l’enfant de maîtriser sa peur et ses émotions ?
- Et les histoires qui font peur ? A quoi servent-elles ?
Réelles ou imaginaires, anodines ou envahissantes, du quotidien ou extraordinaires, les peurs de nos enfants sont toujours à entendre et à prendre en compte. Il n’est pas question de les minimiser, de s’en moquer, ou de les juger, mais plutôt de les considérer avec beaucoup d’empathie.
L’empathie c’est sentir, comprendre les émotions de l’autre (en sentant et comprenant d’abord nos propres émotions). Le plus difficile étant de percevoir ce qui se passe pour l’enfant effrayé, l’expérience personnelle est d’une grande aide.
L’histoire « Le Trou de Baligan » montre que la peur n’est pas seulement réservée aux enfants… Dans ce conte, c’est bien la peur d’un bruit inconnu qui provoque le drame. Face à des angoisses irrationnelles et non construites, même les grandes personnes font parfois les mauvais choix. Peut-être n’ont-elles pas été suffisamment rassurées quand elles étaient petites pour affronter leurs grandes peurs d’adulte… Fermons les yeux, replongeons-nous quelques instants dans le petit enfant que nous avons tous été… Pour accompagner nos petits, rien de mieux que de se reconnecter quelques minutes à la petite fille ou au petit garçon qui est toujours là, à l’intérieur… Allez, hop ! N’ayez pas peur !!!
Qu’est ce que la peur ?
La peur fait partie des émotions principales et primitives. Elle est même extrêmement utile dans la protection de soi et de l’espèce. Le petit enfant doit l’expérimenter, comme tout ce qu’il découvre de nouveau dans son développement et sa croissance. Mais pour le faire il a besoin des adultes…
La peur est un signal, un message intime (de soi à soi), mais aussi une alerte pour les proches. Qu’elle soit appréhension, crainte, ou angoisse, la peur permet de mettre en œuvre des réactions appropriées pour faire face à un danger ou à une menace. Eviter, fuir, se protéger font partie des réactions à acquérir. Oui, mais voilà… l’enfant est très immature de ce côté-là aussi !
De nouvelles recherches en neurosciences affectives et sociales ont montré à quel point le cerveau de l’enfant n’est pas capable de gérer seul ses émotions.
Comment mon corps réagit face à la peur ?
La peur (avec la joie, la tristesse et la colère), est l’une des grandes émotions primaires. C’est une réaction automatique du cerveau qui lance une réaction en chaine dans tout le corps. Elle a pour fonction principale d’alerter d’un danger et de s’y extraire. La peur est physiologique avant d’être psychologique.
Lorsque l’on est face à un danger, le cœur bat plus vite afin d’envoyer plus de sang dans les muscles qui se contractent, les pupilles se dilatent afin de mieux voir, on respire plus vite, on se met à transpirer… Bref, on est prêt à courir et à se sauver ! Cette réaction est instantanée et prépare la fuite, avant même que le cerveau ait compris ce qu’il se passe. (On le voit bien, lorsque quelqu’un nous fait une farce en jaillissant : Bouh !!! La réaction de peur est instantanée, on est prêt à fuir. Ce n’est que dans l’après-coup, notre cerveau ayant analysé la situation, que l’on se rend compte qu’il n’y a aucun danger !)
La peur, les réflexes de fuite font partie des fonctions instinctives qui ont permis la survie de l’espèce!
On a découvert que l’amygdale cérébrale (centre de la peur) qui sécrète les hormones de stress (l’adrénaline et le cortisol) est apaisée par la mise en mots des émotions. Le simple fait d’exprimer son ressenti régule et limite la production de ces hormones. Par exemple: après les chocs traumatiques (accident, attentat…) il y a une prise en charge immédiate des victimes par des psychologues afin que celles-ci puissent raconter, mettre des mots sur leurs vécus et on insiste sur l’aspect émotionnel des événements.
Que faire face à la peur de vos enfants ?
Pour apprendre à gérer leurs émotions, les bébés ont besoin de l’aide de leurs parents. En effet, à la naissance, les zones les plus développées du cerveau sont celles contrôlant les réactions et les instincts plus primitifs. Les tout-petits sont donc plus facilement en proie aux vives émotions dirigées par le système limbique : ils ont des accès de colère, des crises de larmes, et de fortes peurs.
Devant une situation inconnue, les petits enfants sont souvent envahis par un flot émotionnel qui se caractérise par un état particulier comme la peur ou l’angoisse et une impulsion à agir. Ils ne savent pas comment se maîtriser parce que les zones gérant les émotions, notamment certaines régions du système limbique et du cortex préfrontal, ne sont pas encore développées. Pour qu’un enfant apprenne à maîtriser ses émotions, il est donc très important de lui apporter un soutien émotionnel.
La recherche a démontré que lorsqu’un bébé a peur et pleure, ses glandes surrénales libèrent du cortisol. Lorsqu’un adulte le console, ce taux diminue. Au contraire, lorsqu’un enfant est rassuré et câliné, son cerveau produit une hormone qui l’apaise, c’est l’ocytocine (appelée aussi hormone de l’attachement). C’est ce sentiment de bien-être qui se développe à chaque contact avec ses parents, qui lui permettra de développer un lien affectif très fort avec eux. Ces différentes expériences créent des connexions nerveuses qui l’aideront à s’adapter tout au long de son existence.
La contagion émotionnelle
La recherche a également découvert de nouveaux neurones qui sont présents dès la naissance : ce sont les neurones miroirs qui servent à imiter les actions observées. Ils jouent aussi un rôle dans le déchiffrage des intentions et des émotions d’autrui et s’activent aussi bien quand on exécute une action que lorsqu’on regarde quelqu’un exécuter cette même action. Les neurones miroirs, ce sont le réseau de mentalisation qui permet de ressentir ce que l’autre ressent sans se laisser envahir par nos propres émotions.
Les enfants ont très peur lorsqu’ils sentent de la crainte chez leurs parents, juste en regardant les expressions de leurs visages. Une expérience très concluante avait été menée auprès de jeunes enfants d’environ 12-18 mois. Ils étaient placés sur une surface en verre dévoilant une marche avec un vide important. Bien entendu, il n’y avait aucun danger réel, mais visuellement l’enfant voyait le vide. Lorsque le parent, en face de lui, faisait une mimique d’angoisse, l’enfant ne franchissait pas la « ligne de vide ». Si le parent arborait un grand sourire, il encourageait l’enfant, et celui-ci, rassuré, osait s’aventurer du côté « dangereux » ! Rappelons que le cerveau de l’enfant est immature. Son néocortex n’a pas encore les capacités pour gérer les émotions tout seul.
« Les enfants subissent de plein fouet les émotions véhiculées par les images, ils sont littéralement envahis par elles, n’ayant pas encore les moyens de les analyser et de prendre du recul. Ce qu’ils voient peut véritablement les terrifier, entraîner des crises d’angoisse et des cauchemars. » – Dr Catherine GUEGUEN –Pour une enfance heureuse- Repenser d’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau- Editions Robert Laffont Pocket page 209)
Cela attire notre attention sur le fait qu’un enfant ne doit pas rester seul face à des images violentes (de quelque nature que ce soit). Prendre du plaisir à se faire peur est essentiel pour apprendre à apprivoiser ses angoisses, mais la parole de l’adulte doit toujours accompagner le ressenti de l’enfant.
Peur du noir, de l’orage, des monstres… quel rôle dans le développement de l’enfant ?
Éprouver des peurs est une nécessité dans le développement et la construction physiologique et psychique de l’enfant.
Tout petit déjà, le bébé est confronté à diverses peurs primaires liées au stress de ses parents, à un bruit soudain, à la lumière allumée brutalement dans la pièce, ou lorsqu’il se retrouve seul sans la présence de ses proches. Ses émotions passent principalement pas les perceptions de son corps, par ses cinq sens. Dès que l’enfant est en capacité de sursauter, il est important de mettre en mots ce qui lui a fait peur. Le son de la voix, calme et rassurée, est un contenant. Les mots lui permettent au fur et à mesure de se constituer des représentations mentales dans le registre émotionnel.
Vers huit mois, le bébé se met à reconnaître et avoir peur des personnes qui ne lui sont pas familières. Ses parents le rassurent, le consolent et lui montrent par leurs propres réactions qu’il n’y a pas de raison d’avoir de crainte face aux personnes qu’ils lui présentent. L’angoisse de séparation peut arriver très tôt. S’il est rassuré, l’enfant construit petit à petit une bonne représentation intérieure de ses parents (constance de l’objet) en sachant qu’à la séparation feront suite les retrouvailles du soir.
En grandissant de nouvelles craintes apparaissent. Il a peur du noir, du loup, des monstres (fantômes, sorcières, vampires…) puis ces peurs imaginaires laissent place à des peurs plus rationnelles comme, les accidents, les attentats, la maladie et la mort…
Clotaire aussi a peur du noir… et imagine plein de monstres au fond du placard… Mais grâce à Zoé qui le rassure, il arrive à se débarrasser de ses craintes et devient un vrai fantôme !
L’angoisse du sommeil
Le sommeil peut aussi être révélateur de l’angoisse de séparation et de l’angoisse de mort. Il n’est pas rare d’observer chez l’enfant qui a des problèmes d’endormissement (qui se relève plusieurs fois après le coucher, ou appelle ses parents, ou ne peut s’endormir sans leur présence) et de sommeil (cauchemars, terreurs nocturnes), de fortes angoisses liées à la mort.
Ces angoisses sont d’autant plus fortes que l’enfant est très jeune, car il ne peut y faire face seul, et il n’a pas encore la parole suffisante pour l’exprimer. C’est alors aux adultes de comprendre ce qu’il se passe. Peut-être est-il utile de faire le lien avec un décès (même si c’est celui de l’animal de compagnie), car cette intrusion du Réel dans la vie de la famille est un choc soudain pour le petit enfant qui le découvre et qui comprend notre condition humaine mortelle. Mais attention, ce peut-être aussi « juste » des paroles prononcées devant le bébé concernant les propres angoisses de mort (parfois très inconscientes) de sa maman ou de son papa. Les jeunes parents vivent eux-mêmes des terreurs terribles lors de la naissance de leur nourrisson, surtout si l’histoire familiale leur fait écho.
Cauchemar ou terreur nocturne ? Ce n’est pas la même chose !
Les cauchemars surviennent en phase de sommeil paradoxal en fin de cycle de sommeil. Ce sont des rêves au contenu angoissant avec des émotions désagréables : anxiété, stress, angoisse, peur… (chez le tout-petit, cela peut-être des sensations de chutes dans le vide). L’enfant peut se souvenir de son cauchemar et le raconte. Les souvenirs de cauchemars peuvent entraîner une crainte chez l’enfant au coucher suivant.
Une terreur nocturne est un trouble spectaculaire du sommeil qui survient en début de nuit et en phase de sommeil lent et profond. L’enfant a ensuite une amnésie complète de l’événement. La terreur nocturne ressemble en partie à du somnambulisme.
Si votre enfant appelle en pleine nuit (vous réveille en plein rêve), s’il vous parle, est conscient et montre une volonté d’être rassuré, il s’agit bien d’un cauchemar et vous pouvez le calmer en lui faisant un câlin, en lui parlant doucement pour que la peur s’apaise et qu’il se rendorme.
Si votre enfant crie, hurle soudainement en début de nuit (une à deux heures après l’endormissement), mais qu’il ne vous voit pas malgré ses yeux écarquillés, qu’il semble ne pas être conscient, qu’il ne vous répond pas et qu’il continue à hurler… il s’agit certainement d’une terreur nocturne (peu fréquente). Dans ces cas-là, et même si vous êtes très impressionnés par ses cris de terreur, ne le réveillez pas. La crise peut durer de longues minutes, mais il n’en aura aucun souvenir s’il reste endormi. S’il est réveillé en pleine crise, il sera terrifié comme s’il tombait en plein cauchemar. Il vaut mieux patienter en lui parlant tout doucement et en lui câlinant le front…
Si les cauchemars ou les terreurs nocturnes reviennent très fréquemment, il vaut mieux consulter un psychologue afin d’en rechercher la cause. Cela peut indiquer qu’une peur n’a pas encore été entendue dans toute sa dimension et dans sa fonction d’apprentissage ou de protection. De nombreux enfants ont juste peur du noir, et ce ne sont pas les seuls ! Notre amie La Petite Lampe aussi est terrifiée lorsque la lumière est éteinte, mais elle a finalement réussi à vaincre sa peur du noir !!!
Là encore, le rôle de l’adulte est d’entendre, de respecter et d’accompagner l’enfant, et mettre en place de petits rituels qui l’aideront à se sécuriser : installer une veilleuse, laisser la porte entrouverte, la lumière dans le couloir… ou même une petite lampe torche sous l’oreiller ! Mais rien de mieux qu’une petite histoire avant de dormir pour partager un moment de complicité, apaisant pour votre enfant, et faire un dernier câlin avant de sombrer dans les bras de Morphée.
À chaque âge… sa peur
Comme à chaque âge son histoire… à chaque âge sa peur…
Au même titre que l’on ne va pas lire la même histoire à un enfant de quatre ans qu’à un enfant de huit ans, les peurs ne sont pas les mêmes en fonction de l’âge de votre enfant, et celles-ci évoluent avec le temps.
Vers quel âge peut-on demander à l’enfant de maîtriser sa peur et ses émotions ?
En dessous de cinq ans, c’est le cerveau archaïque et émotionnel qui domine. Le petit enfant ne peut pas réfléchir tout seul à son comportement et à son ressenti. Il faut donc vraiment l’accompagner face à ses frayeurs, il ne peut pas se calmer et se sécuriser seul. Au plus l’enfant comprendra ce qu’il ressent, au mieux il apprendra à identifier chacune de ses émotions et développera les zones préfrontales de son cerveau pour apprendre seul à faire les bons choix.
A partir de cinq / sept ans, le néocortex se développe suffisamment pour que l’enfant puisse commencer à contrôler et à réguler ses émotions. Celui-ci va poursuivre sa maturation jusqu’à l’âge de quinze ans, voire même jusqu’à l’âge adulte…
L’accompagnement des parents est très important dans l’apprentissage de la gestion des émotions et donc de la peur de leur enfant. La compréhension et l’écoute bienveillantes lui permettront d’apprivoiser ses peurs, de les dépasser, d’apprendre à faire les bons choix. L’enfant qui réussit à affronter ses peurs, grandit correctement.
Et les histoires qui font peur ? A quoi servent-elles ?
Dans les contes, il est toujours question du Réel, et la mort est presque un personnage à part entière. Depuis la nuit des temps, les Hommes ont mis en place des méthodes (plus ou moins efficaces et sensées…) de réassurance face à leurs grandes peurs. Les contes racontés à la veillée ont participé à la transmission des solutions de sauvegarde de notre espèce. Les histoires sont imagées, et lorsque l’on parle de loup, d’ogre ou de sorcière, c’est de l’histoire des générations dont il s’agit. Le risque primordial pour l’enfant n’est peut-être pas le danger extérieur, mais plutôt de ne pouvoir faire face aux grands interdits qui fondent toute société humaine. Les contes nous parlent de nous, des pièges et de leurs solutions pour réussir à les déjouer.
Ce n’est pas la peine d’édulcorer les contes (et pourtant certains sont particulièrement d’une grande cruauté). Comme nous l’avons vu, les enfants, même tous petits, ont de grandes capacités innées (dans la structure même de leur cerveau) pour s’identifier aux héros (grâce aux neurones miroirs) et être en grande empathie pour les mésaventures qui leur arrivent. De la même façon, ils s’identifient aussi aux personnages les plus sombres et à leurs mauvaises actions (et oui, nos petits amours font aussi quelques bêtises !), mais c’est toujours le bien qui triomphe du mal. Et cela les rassure en leur permettant de ne pas avoir trop peur de leurs propres émotions négatives.
Par l’histoire, on aborde les questions existentielles, les angoisses, les frustrations, les jalousies et autres mauvais sentiments, la peine et la souffrance… mais aussi la bonté, l’amitié, la bravoure et l’amour. Bref, les histoires permettent de comprendre comment gérer tous les ressentis. Et lorsque votre bout de chou vous demande pour la quinzième fois de lui relire « Blanche Neige », « Cendrillon » « Peau d’âne » ou « Le Petit Poucet », c’est qu’il n’a peut-être pas encore trouvé en lui la force de dépasser des peurs et des craintes au sujet de la rivalité fraternelle, les questions œdipiennes, l’angoisse de dévoration ou d’abandon…
Le mieux pour votre enfant, c’est de pouvoir affronter toutes ces grandes frayeurs dans vos bras, tout contre vous, lors du câlin de l’histoire du soir !
« Beaucoup de parents croient que l’enfant doit être mis à l’abri de ce qui le trouble le plus : ses angoisses (…), ses fantasmes chaotiques, colériques et même violents. (…) Mais nos enfants savent qu’ils ne sont pas toujours bons eux-mêmes (…) cela contredit ce que leur racontent leurs parents et l’enfant apparaît alors comme un monstre à ses propres yeux. Grâce au conte, lorsqu’il ressent un élan mauvais, il sait que c’est normal et ne se culpabilise pas trop… ». – Bruno Bettelheim. Psychanalyse des contes de fées
Alors… Rassuré? Un grand merci Katia pour vos réponses !
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